Peu de bouleversement au niveau européen
Les élections qui se sont déroulées du 6 au 9 juin dans les vingt-sept pays de l’Union européenne ont acté, comme prédit par les sondages, le basculement vers la droite du Parlement européen avec, à l’extrême droite, des rangs plus nourris que dans la précédente législature. Cette poussée de l’extrême droite permet aux partis populistes de droite de sécuriser un quart des sièges du Parlement européen (contre 20% de la précédente assemblée). Mais notons que les futurs députés d’extrême droite sont pour l’instant répartis en groupes hétéroclites. Dans leur ensemble les résultats des élections européennes ne vont pas sensiblement modifier les rapports de force au sein du Parlement européen. Selon les résultats provisoires, le groupe de centre droit reste largement majoritaire avec 184 sièges, suivi du parti socialiste avec 139 sièges, puis du groupe libéral Renew avec 80 sièges. Ces trois groupes qui formaient une « grande coalition » au Parlement européen obtiennent donc plus de 400 des 720 sièges du nouveau parlement. Soit une très large majorité. De façon plus large, la majorité pro-européenne, malgré une baisse du nombre de sièges, reste confortée avec 455 sièges sur les 720.
Les partis de centre-droit et de centre-gauche vont donc continuer de contrôler la majorité des sièges au Parlement européen. Cela signifie que la prochaine Commission européenne sera également dirigée par un représentant des partis du centre et il semble probable que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, sera reconduite pour un autre mandat.
La « surprise » française
Dimanche dernier, la surprise n’est pas venue de Bruxelles mais de Paris. La défaite du parti présidentiel, distancé très largement à l’issue des élections européennes par le Rassemblement National, a conduit le Président de la République Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale, une décision surprise annoncée dès la publication des résultats du vote français. De nouvelles élections législatives doivent se tenir dans 3 semaines et ouvrent désormais une séquence d’incertitude politique en France. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, les actifs financiers ont été chahutés.
A l’heure actuelle, le CAC 40 baisse de plus de 3.5 % depuis dimanche, à comparer avec l’évolution de l’Eurostoxx 50 qui enregistre une baisse d’un peu moins de 2 %. Ce risque « France » se traduit également par une tension sur les taux de la dette française. L’écart avec les taux allemand est ainsi passé de 0.50% à 0.60% sur les maturités à 10 ans.
L’incertitude politique a donc un effet certain mais qui, pour le moment, reste relativement mesuré. Les marchés intègrent essentiellement la probabilité plus élevée que l'extrême droite accède au pouvoir en France avant les élections présidentielles prévues en 2027. Comme par le passé, ces partis ont plaidé en faveur d'un « Frexit », cela rouvrirait la boîte de Pandore concernant la devise commune. Bien que l'extrême droite française ait atténué sa rhétorique anti-euro ces dernières années, un tel gouvernement potentiel augmenterait le risque de fragmentation, ce qui serait préjudiciable aux banques européennes.
Les valeurs bancaires françaises sont également sous pression car elles pourraient constituer une cible facile pour les populistes souhaitant financer des déficits excessifs. Ils pourraient également mettre en danger un catalyseur positif du secteur, qui est la consolidation transfrontalière.
En France, les discussions entre ou à l’intérieur des différentes formations politiques sont actuellement intenses et incertaines. A cette confusion s’ajoute d’autres éléments. Les élections européennes sont particulières parce que les citoyens ont tendance à exprimer leur frustration lors de ce scrutin contre « l'establishment ». Les résultats doivent donc être «pris avec des pincettes» et pourraient ne pas être représentatifs des souhaits réels des citoyens. À cet égard, l’élection anticipée de Macron a une certaine logique : "donnons aux citoyens leur mot à dire sur la politique nationale". Et si l’extrême droite obtient la majorité au Parlement, ces derniers auront alors l’occasion d’évaluer son état de préparation au pouvoir (le pari de Macron est évidemment que ce serait désastreux). Le timing fixé par Macron met également sous pression la gauche qui pourrait manquer de temps pour conclure un accord (à confirmer dans les prochains jours). Cependant, il existe un risque de voir un parlement fragmenté et, à terme, des élections présidentielles anticipées si aucun gouvernement ne se dégage. Beaucoup d’incertitudes donc et difficile aujourd’hui d’avoir une vue claire sur les futures orientations politiques en France.
Que penser et que faire ?
Ces incertitudes sont clairement de nature à amener de la nervosité sur les marchés financiers.
Mais il est toujours délicat d’interpréter les événements politiques « à chaud ». Après le vote du « Brexit » en 2016, les marchés ont été très chahutés avant un retour rapide au calme et une forte hausse de l’indice britannique (le FSTE 100). Plus récemment, on arrive à la même conclusion à la suite de l’élection de Georgia Meloni en Italie.
Avant les élections européennes, nous avions déjà des stratégies globalement prudentes.
Cette prudence est justifiée par des valorisations que nous jugeons élevées (notamment sur les marchés action), par un contexte politique et géopolitique instable au niveau mondial (et donc pas uniquement en France) et par de nombreuses incertitudes macroéconomiques. De plus, nous avons des positions très diversifiées d’un point de vue géographique avec notamment un accent fort sur les Etats-Unis. Ce dernier point est un élément structurel de notre gestion.