MACRO - Le paradoxe des marchés

22/09/2023
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Depuis six mois, les marchés actions européens évoluent dans un tunnel horizontal très étroit. La bande de fluctuation entre les points bas et les points hauts est en effet de l’ordre de 5%. La volatilité des marchés, qui est un fidèle reflet de l’aversion au risque des investisseurs, est, depuis le mois d’avril maintenue à un niveau très bas. Qu’est-ce qui peut expliquer et justifier ce calme apparent ? 


Les motifs d’inquiétude ne manquent pourtant pas. Dans la plupart des pays développés, l’inflation a bondi en 2022 à des hauteurs jamais vus depuis quarante ans. Certes, depuis ces pics autour de 10% en Europe, elle est redescendue vers 5%, mais elle semble, pour l’heure, se stabiliser sur ces niveaux qui sont très largement supérieurs aux objectifs des banquiers centraux (2%), obligeant ces derniers à maintenir une politique monétaire restrictive. 
La politique monétaire d’une banque centrale est déterminée par les objectifs qui lui sont attribués. Le principal étant la stabilité des prix. Par exemple, la Banque Centrale Européenne a un mandat pour maintenir le taux d’inflation proche de 2%. Comme d’autres banques centrales, la BCE influence généralement les prix en fixant le taux d’intérêt à court terme auquel elle prête de l’argent aux banques commerciales. En modifiant ce taux d’intérêt, la BCE cherche à influer sur le montant et le coût des crédits qui alimentent, par le canal des banques, les entreprises et les ménages, c’est-à-dire l’économie au sens large. Lorsque l’économie est en berne et que l’inflation est inférieure à l’objectif de la BCE, un taux d’intérêt bas (« politique monétaire accommodante ») favorise les flux de crédits en les rendant moins onéreux, ce qui stimule la demande à travers l’ensemble de l’économie et ramène l’inflation, à terme, vers l’objectif de la BCE. À l’inverse, quand l’économie est en surchauffe et que l’inflation est supérieure à l’objectif, un taux d’intérêt élevé (« politique monétaire restrictive ») permet d’obtenir l’effet contraire : il rend les emprunts plus chers de manière à ralentir l’économie ainsi que le rythme de la hausse des prix.
C’est précisément ce qui se passe en moment. La dynamique économique en Europe est inquiétante. La plupart des statistiques décrivent en effet une décélération marquée de l’activité économique. Les perspectives ne sont pas plus engageantes en Chine, dont le rebond post-covid s’est vite essoufflé. On ajoutera à cette liste de problèmes, la situation délicate des comptes publiques de nombreux pays, notamment en Europe après le dérapage budgétaire du « quoi qu’il en coûte » pendant la période Covid. La géopolitique, avec les tensions récurrentes entre la Chine et les Etats-Unis et la situation en Ukraine n’amène pas non plus à l’optimisme. 


Alors qu’est ce qui explique cette tranquillité des marchés au regard de toutes ces problématiques ? Pourquoi ce paradoxe ? 


L’une des explications est la croyance des investisseurs qu’une inflexion économique se traduira par une baisse de l’inflation et donc une pression monétaire moins forte. Réciproquement, les bonnes nouvelles économiques s’accompagnent d’une crainte sur l’inflation et donc de perspectives monétaires plus restrictives. Ce paradoxe repose en définitive sur cet équilibre entre l’économie et les banques centrales. 
Comme l’a dit l’économiste John Kenneth Galbraith : “La seule utilité de la prévision en économie est de rendre l’astrologie respectable”. Il est vrai que l’exercice est délicat. Néanmoins, nos analyses nous conduisent à penser que le risque de récession est réel et qu’il ne s’accompagnerait pas pour autant d’une forte baisse de l’inflation, condition indispensable à un franc desserrement monétaire. Pour être clair, nous n’excluons pas un scénario « récession ET inflation ». Ce scenario est clairement le plus défavorable pour les marchés actions.